La journée mondiale de lutte contre l’hépatite, qui est célébré le 28 juillet de chaque année, donne l’occasion d’intensifier tous les efforts des différents acteurs dans le secteur de la Santé au plan national, pour une meilleure sensibilisation des populations. A cet effet, notre trimestriel d’information ‘’CHUB-INFOS’’, journal interne du CHU a interviewé un spécialiste de l’établissement sur le sujet.
1- Présentez-vous à nos lecteurs, docteur.
Je suis Dr OKON Jean-Baptiste, Maître de Conférences Agrégé en Hépato-gastroentérologie (spécialiste des maladies du foie et de l’appareil digestif) au centre hospitalier universitaire de Bouaké.
2- Qu’est-ce que l’hépatite virale?
Une hépatite se définit comme étant une inflammation du foie sans préjuger de l’étiologie. Cette hépatite peut avoir plusieurs causes (virus, alcool, médicaments…) et on parle d’hépatites virales lorsque cette inflammation est due à des virus à tropisme hépatique dont les plus connus et étudiés sont les virus A, B, C, D, E.
Les hépatites virales vont évoluer en deux phases :
- Une phase dite d’hépatite aigue qui dure en générale moins de 6 mois et la guérison survient spontanément dans la plupart des cas.
- Une phase dite d’hépatite chronique avec persistance du virus 6 mois après la contamination. Cette phase peut évoluer vers la cirrhose et le cancer du foie. Cette phase ne concerne que les virus B, C et D.
3- Comment la contracte-t-on ?
Le mode de contamination varie en fonction des virus.
- Les virus B, C et D ont une transmission horizontale par les rapports sexuels non protégés, par la transfusion sanguine, par les sécrétions naturelles, par les objets souillés (aiguille, lame, couteau), par les tatouages, les scarifications, le piercing, les drogues IV (virus C) et une transmission verticale de la mère à l’enfant lors de l’accouchement (virus B).
- les virus A et E ont une transmission oro-fécale dans les zones à hygiène précaire par l’intermédiaire des aliments contaminés consommés crus mal lavés et pas suffisamment cuits.
4- Quels sont les symptômes de la maladie ?
Les signes des hépatites virales ressemblent au début aux signes du paludisme. Le malade va présenter une fatigue intense, des courbatures, des douleurs musculaires et des céphalées (maux de tête). Et après s’installe un ictère (la jaunisse des yeux) accompagné d’une fatigue intense. C’est généralement à ce stade que le patient vient en consultation.
5- Quel est son impact sur la vie d’une personne ?
Comme décrit dans les signes, le malade va présenter une fatigue importante qui va le gêner dans ses activités quotidiennes au stade de début. Si le malade passe à la phase chronique de la maladie (ce qui survient environ dans 10% des cas pour le virus B et 30% des cas pour le virus C) il y a des risques d’évolution vers la cirrhose du foie et le cancer du foie (risques observés uniquement avec les virus B, C, D).
6- Peut-on éviter l’hépatite virale?
Il existe des mesures de prévention qui constituent l’essentiel de la prise en charge des hépatites virales. Ces mesures sont non spécifiques et spécifiques.
Les mesures non spécifiques (Virus A, E):Lutte contre le péril fécal
ü Lavage des mains +++++
ü Boire de l’eau potable
ü Lavage des aliments crus à l’eau de javel 12° dilué : 1 dose pour 9 doses d’eau (dilution 1/10e)
ü Bien cuire les aliments avant la consommation
Les mesures non spécifiques (Virus B, C, D):
- Respect des principes de stérilisation du matériel
- Utilisation de matériel à usage unique lors de tout acte pouvant transmettre le virus
- Protection par le préservatif lors des rapports sexuels
- Application des principes de l’hémovigilance
- Ne pas partager les objets de toilette personnelle (brosses à dents, rasoir, coupe ongles, lame)
- Pansement de toute blessure susceptible de saigner
- Utiliser du matériel à usage unique ou personnel lors de: coiffure ou tresse publique, manucure, pédicure, circoncision, excision
Mesures spécifiques = vaccination
§ Vaccination contre les Virus hépatite B et D
– Protège contre le VHB et VHD
– Efficace et bien toléré
– Trois conditions pour efficacité:
• Dépistage : Ag HBsAc anti HBc totaux
• Vaccination schéma : M0_M1_M2
• ContrôleAc anti HBs> 10 mui/ml 1 à 3 mois après dernière dose
§ Vaccination contre le virus de l’hépatite A
– Une injection unique
– Indication:
• Collectivités d’enfant
• Profession alimentaires
Prévention de la mère à l’enfant (PTME) :
A la première consultation prénatale: Dépistagesystématique de l’Ag HBs et anticorps anti HBc totaux.
En cas d’AES
- Lavage local immédiat
- Séquence : savon_ rinçage_ alcool 70%
- Prélèvement sanguin (Patient source et patient exposé): VBH VHC (VIH+) ; AgHBs , Ac anti HBc Totaux, Ac anti VHC et Vih
- Contacter un médecin référent dans sa localité
- En cas de projection sur les muqueuses (conjonctive+++), de sang ou de liquide biologique souillé de sang : Laver abondamment à l’H20 ou NaCl 9% pendant au moins 5 minutes.
7- L’hépatite virale est-elle prise en charge ?
Les hépatites qui sont traitées sont les hépatites B, C et D. Des progrès ont été réalisés dans le domaine du traitement avec l’avènement de médicaments plus efficaces et faciles à prendre surtout pour l’hépatite virale C. Des patients présentant des hépatites chroniques B, C et D peuvent bénéficier d’un traitement si la maladie est active. Mais le coût de ces médicaments reste encore élevé pour nos populations à faible revenu malgré les efforts consentis par le gouvernement, le Réseau ivoirien de lutte contre les hépatites virales (RILHVi) et nos partenaires qui nous accompagnent.
8- Existe-t-il des structures habilitées pour la faire ?
La prise en charge des hépatites virales doit débuter dans toutes les structures sanitaires où il existe un personnel médical par les tests de dépistage des hépatites virales B et C. Les personnes dépistées positives doivent être orientées au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bouaké, précisément en consultation d’hépato-gastroentérologie où des spécialistes se chargeront de la prise en charge. Les autres personnes dépistées négatives doivent se rendre à l’institut d’hygiène de la santé publique pour se faire vacciner.
9- Docteur, quel message pouvez-vous lancer à l’endroit de la population à l’occasion de la célébration, ce 28 juillet 2017, de la journée mondiale des hépatites virales?
Les hépatites virales constituent un problème de santé publique dans notre pays. En dépit d’important progrès réalisé dans le domaine du traitement, l’accès au médicament constitue un facteur limitant en raison des coûts encore élevés. L’accent doit être mis sur la préventionnotamment le dépistage afin de réduire l’incidence de ce tueur silencieux que sont les hépatites virales.
Dr OKON Jean-Baptiste,
Maitre de Conférences Agrégé,
UFR Sciences médicale à l’Université Alassane OUATTARA,
Service : Hépato-gastroentérologie CHU Bouaké.
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Service Communication et Relations Publiques (SCRP) CHU Bouaké.